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Gossips

Depuis la rentrée en septembre 2017, je participe à la pièce de théâtre GOSSIPS adaptée de The Children’s Hour de Lilian Hellman par Alice Bricca et mise en scène par Florianne Heine. Cette interview me permet, Le temps d’une rencontre, d’allier ma passion pour le théâtre et ma vie étudiante, pour vous faire découvrir les deux femmes à l’origine de cette création théâtrale. 

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Comment en êtes-vous venues à créer GOSSIPS ?

 

Alice Bricca : Florianne et moi nous connaissons depuis la fac et nous avons toujours partagé l'amour de l'écriture. Elle a toujours été plus branchée théâtre, et moi, cinéma. Notre année 2015 a été particulièrement compliquée. Après le pire moment de mon année, comme le ferait toute bonne amie qui savait que j'adorais écrire, elle m'a soutenue en me proposant ce projet fou. C'est le bel aboutissement de notre incroyable amitié !

 

De quoi parle cette pièce?

 

Florianne Heine : C'est une valise d'histoires comme beaucoup de drames d'ailleurs. Ce qui porte GOSSIPS, de son ouverture à la chute, c'est avant tout l'histoire d'une amitié entre deux femmes dont un événement dramatique va précipiter la rupture. C'est aussi l'histoire d'un groupuscule d'éléves qui recherchent à tromper leur ennui sans en saisir les dangers. C'est une histoire d'amour entre une grand-mère et sa petite-fille qui s'impose malgré un mensonge. C'est l'histoire d'un couple qui va abandonner une victime pour se marier... 

 

 

 

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En quoi est-elle différente de The Children's Hour de Lilian Hellman ?

 

A.B. : Au début du travail d'adaptation, il y a réellement eu d'abord un passage par la traduction de la pièce originale. Nous voulions vraiment garder ce que nous avons appelé le "squelette" de la pièce, les thèmes centraux, les personnages, mais la pièce en l'état n'avait plus du tout la même portée. Écrite dans les années 30 aux États-Unis, le thème de l'homosexualité féminine qu'elle abordait était totalement tabou, la pièce avait donc quelque chose d'extrêmement avant-gardiste et novateur. Ce qui a été très intéressant, c'est que Florianne travaillait avec la traduction française, "Les innocentes", et moi, avec l'original en anglais, et les textes étaient totalement différents. Les États-Unis étaient en pleine période de la Prohibition, et le ton était très détendu, voire familier, alors que la pièce en français transpirait la bienséance, le côté catho-coincé, totalement absent de l'américain ! Au final, nous avons fait prendre aux personnages différentes directions, mais ce sont bien les mêmes que dans The Children's Hour de Lilian Hellman.  

  

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Essayez-vous de faire passer un message à travers cette pièce ?

 

F.H. : Un mensonge ou un message ?...Un double message, en effet, portant sur l'émetteur d'une rumeur qui n'a pas de visage. Un adulte, un enfant, une personne âgée, tous sont capables de diffuser une rumeur à notre époque où l'on confère une importance appuyée à l'innocence de la jeunesse et à sa prétendue incapacité à mentir. GOSSIPS montre que chacun des acteurs de la société peut porter en lui une bombe odieuse et cruelle à travers ses mots. Chacun d'entre nous peut devenir un monstre en une simple phrase, une situation, un rapprochement. 

Le deuxième message est une alerte quant à la rapidité de diffusion des informations actuelles. Rumeur ou information, elle parcourt le monde à une allure effrayante et, aussi erronée soit-elle, elle aura déjà rebondi mille fois via les réseaux sociaux. Nous avons un rôle particulier dans ce phénomène et une certaine responsabilité dans notre pouvoir de diffusion. GOSSIPS met en avant qu'aussi incertains que nous puissions l'être, nous ne nous intéressons plus aujourd'hui à la vérité mais plutôt au fait de communiquer sans relâche, et sans en mesurer l'impact incidemment autodestructeur.

 

Comment avez-vous choisi le titre "GOSSIPS" ?

 

A.B. : Gossips était le nom de travail que j'avais donné au document quand j'ai commencé à la rédiger et il est resté ! Nous sommes toutes deux issues de la génération de sériphile et lors de nos premières conversations sur la direction qu'on voulait donner à la pièce, les idées de base étaient une sorte de "Gossip Girl" ou de "Pretty Little Liars", des séries qui traitent de groupes d'adolescents accrochés à leur portable qui subissent les attaques d'anonymes par message et par les réseaux sociaux. C'est exactement ce qu'on retrouve dans GOSSIPS.

 

En quoi est-ce une pièce d'actualité ?

 

F.H. : L'intemporalité au théâtre est importante pour permettre au public de monter à bord et suivre une intrigue qui puisse résonner en eux. L'adaptation du texte répond à cet objectif et nous a conduit à utiliser des techniques modernes pour alimenter le projet théâtral. User des réseaux sociaux et mettre en scène des accessoires aussi indissociables de notre quotidien que le sont les téléphones portables apportent une dimension supplémentaire. 

 

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 Quelle est l'importance des réseaux sociaux et de la technologie dans Gossips?

 

F.H. : Ils nourrissent insidieusement la pièce et sont un personnage à part entière. Le recours aux nouvelles technologies est utilisé pour mettre en avant des situations quotidiennes où l'échange est complètement vicié par une attention entière et à la fois polyvalente entre notre téléphone portable et notre interlocuteur. Distraction permanente mais aussi relais de notre indifférence vis à vis de la réalité qui nous confronte chaque jour, ces parasites jouent la traînée de poudre, la contamination virale de l'espace, le lien unique entre tous les personnages à travers la rumeur qui est ainsi diffusé. Les réseaux sociaux permettent de montrer à quel point l'info est endoctrinante, en faisant gonfler le mensonge jusqu'à la chute de GOSSIPS.

 

Que peut apporter cette utilisation de la technologie aux spectateurs?

 

F.H. : J'espère que ce choix de mise en scène incite à la prise de conscience du public de l'oppression de l'information et du sentiment d'emprisonnement qu'on peut ressentir quand on se considère comme étant libres de penser et de réfléchir par nous-mêmes. 

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Comment définiriez-vous votre rôle en tant que metteure en scène?

 

F.H. : C'est un rôle difficile que d'avoir en tête une vision qu'on souhaite décliner à travers la direction de 10 comédiens dont les personnalités, forces de jeu et expérience sont variables. La mise en scène a été fluide car j'accorde une grande importance à la sélection des comédiens avant même de traiter le texte. Sur GOSSIPS, il fallait parler d'images, de sentiments, de ressenti, des passés de certains personnages, de sons et d'atmosphères. Je pars toujours du corps pour construire les motivations de chacun. J'avoue avoir beaucoup de plaisir à mettre en scène le phénomène de groupe et à mêler chorégraphie et théâtre. 

 

 

 Avez-vous mis en scène plusieurs pièces avant? En quoi cette expérience est-elle différente des précédentes?

 

F.H. : J'ai récemment mis en scène LE PROJET qui traite du burn out professionnel pour lequel j'avais écrit un texte pour 8 comédiens. Cette expérience permettait une liberté totale sur scène et à la fois alimentait une certaine "schizophrénie" fonctionnelle entre l'auteur et le metteur en scène que j'étais, refusant à la fois d'alourdir la mise en scène ou de couper un texte auquel je tenais particulièrement.

Sur GOSSIPS, le texte a été adapté et réécrit par Alice Bricca : c'était un nouveau défi dont j'ai apprécié la conduite. Travailler à deux sur un projet où chacun a son rôle et prend sa place est très intéressant et plus enrichissant. Quand Didier Saillant, en charge de la création audiovisuelle, nous a rejoint, on a constitué un trio très complémentaire qui a apporté à GOSSIPS plus de densité. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Quels conseils donneriez-vous à quelqu'un souhaitant réaliser ou créer une pièce de théâtre à Paris?

 

F.H. : S'armer de patience et d'autodérision! Les procédures administratives pour pouvoir produire son spectacle sont lourdes et quotidiennes. Notre association théâtrale, Geethanee & Co portée par Alexandre Geoffroy, Camille Siebert et moi-même est un gros bébé dont nous n'imaginions pas qu'il prendrait ce bel envol ! Mais le plus important est de prendre du plaisir à réaliser sa pièce et que ce plaisir reste intact, malgré les démarches, l'énergie et le travail qui viendront s'y ajouter. Il ne faut compter ni ses heures, ni ses dépenses, rester souple et bienveillant à l'égard des artistes. Ce sont ces ingrédients qui vous permettront d'aller au-delà de vos attentes. 

 

Avez-vous un moment préféré duquel vous vous souvenez concernant la création ou la réalisation de cette pièce?

 

F.H. : De mes souvenirs à la mise en scène, je garderai en mémoire la réaction des comédiennes au premier filage insérant les animations sonores et vidéo. N'ayant jamais travaillé en coordination avec les inserts techniques du spectacle, elles donnaient l'impression d'être aux commandes d'un bateau qui pointe vers un iceberg. La difficulté de déclencher en aveugle des animations techniques sur scène est un élément que nous avions en effet sous-estimé. Malgré cela, le professionnalisme et l'endurance des comédiens nous a bluffés comme toujours ! 

A.B. : Je rejoins Florianne sur ce point ! Vivant à Montpellier, je n'ai absolument pas suivi tout son excellent travail de mise en scène, et on savait que l'ajout des animations allait être un choc pour les comédiens, mais ils ont été incroyables, j'ai été vraiment impressionnée quand je les ai découverts. Je dirai aussi qu'un de mes meilleurs souvenirs concernant l'écriture de la pièce a été le week-end express où nous nous sommes retrouvés avec Florianne chez moi pour finaliser une toute première mouture de la pièce. Après 24 h littéralement enfermées chez moi avec le texte, nous sommes sorties faire une dernière lecture complète au bord de la mer, sur un banc au soleil. C'était le début d'une superbe aventure !  

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Julia Rigal

ENTRETIENS

GOSSIPS - les 16, 17, 18 et 23, 24, 25 février à 21h30 au théâtre du Clavel.

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Adaptation & texte : Alice Bricca & Florianne Heine Enrico


Mise en scène : Florianne Heine Enrico


Avec : Dominique Barbagli, Camille Siebert, Philippe Martraire, Céline Doucey, Danièle Tibéri, Julia Rigal, Victoria Dussardier, Caroline Parquet, Kaouther Derouiche et Franck Jung

 

 

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Pour en savoir plus : https://www.facebook.com/GossipsauClavel/

Réservations ici : https://www.weezevent.com/evenement.php?id_evenement=201416#Billeterie

21 février 2017 - Julia Rigal

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Etudiante en troisième année de Droit et Histoire de l’art, je suis également présidente de La Prisée et comédienne dans deux troupes de théâtre.  Bien que ces deux occupations me prennent la majorité de mon temps libre, je trouve un créneau pour reregarder Friends ! Cependant, mon objectif principal avant de quitter Paris est de trouver le meilleur chocolat chaud de la capitale.

Julia Rigal

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