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ENTRETIENS

À PROPOS DE L'AUTEURE

Sarah Tantin

Diplômée de la double licence Droit et Histoire de l'art en 2015, je me suis orientée vers le droit des affaires. Toujours passionnée par la création sous toutes ses formes, je m'intéresse à l'évolution du marché de l'art et à la propriété intellectuelle.

Viet Ha Tran interview#1

Sur l’art et le business

15 novembre 2018 - Sarah Tantin

   C’est grâce à la participation de Sarah Tantin, étudiante du double cursus Droit - Histoire de l’art, diplômée en 2017, que nous vous faisons aujourd’hui parvenir cet entretien avec l’artiste et businesswoman Viet Ha Tran.

Après plusieurs années de travail dans le milieu des affaires, Viet Ha Tran est devenue directrice des admissions dans une des écoles de commerce les plus reconnues d’Espagne (IE Business School).

Parallèlement, elle a commencé la photographie et est désormais représentée par différentes galeries dans le monde entier : la Galerie Sophie Lanöe à Paris, Durán Arte y Subastas à Madrid, ou Saatchi Art à Los Angeles en sont quelques exemples.

Viet Ha Tran est une femme très polyvalente qui a plusieurs casquettes : businesswoman, entrepreneure, artiste, philanthrope. Dans cette première interview, en suivant le parcours de Viet Ha Tran, nous nous interrogerons ainsi sur les relations qui peuvent exister entre art et commerce.

 

Sarah Tantin : je comprends que vous avez une assez grande expérience dans le commerce, et que vous avez commencé la photographie en tant que loisir, par passion. Quel a été l’élément déclencheur (s’il y en a un) qui vous a menée au monde artistique ? Comment vos études et vos compétences en management et corporate vous ont-elles aidée dans votre art ? Combinez-vous ces deux mondes à travers vos expériences ?

Viet Ha Tran : J’ai toujours été une femme d’affaires avant de découvrir l’art. Avant de venir en Espagne, pour étudier et ensuite travailler, j’ai travaillé à Tokyo, Singapour, et à Hanoi dans différents domaines : marketing, intelligence de marchés, finance, développement commercial, relations gouvernementales. Ma position actuelle est celle de Directeur des Admissions en Finance, à l’école IE Business School à Madrid en Espagne, où je suis chargée d’attirer les talents les plus prometteurs dans le monde à venir étudier à IE.

Comme vous pouvez l’imaginer, le monde des affaires peut être extrêmement éprouvant, et j’ai trouvé dans l’art la meilleure des thérapies. Le premier diplôme que j’ai obtenu (que je n’ai terminé qu’à moitié pour me réorienter vers le commerce), est une licence en littérature et langue anglo-saxonne à la Vietnam National University et a été l’origine de mon profond intérêt pour l’art qui s’est développé plus tard. L’art m’aide à équilibrer mon esprit et cultive ma créativité. J’ai découvert la photographie en 2013 et elle est, depuis, le moyen d’expression de mes rêves, de ma vision du monde et me permet de m’échapper de la réalité.

Beaucoup de gens me demandent : comment fais-tu pour être une femme d’affaires le jour et une artiste la nuit, comment gères-tu ça ? Je pense que l’art et la finance sont complémentaires, parce que quand on est intéressé par les deux, le cerveau travaille bien à la fois du côté droit et du côté gauche,  et la créativité et l’efficacité en sont augmentées. Je connais personnellement beaucoup de banquiers et de financiers qui sont aussi des artistes, comme des pianistes ou des peintres. Avoir un monde secret qui n’est pas votre travail à temps plein permet de trouver l’équilibre mental, enrichit l’esprit et aide à envisager de nouvelles solutions dans des perspectives plus larges et plus profondes.

D’un autre côté, mes compétences et mon réseau m’aident à faire du commerce plus efficacement dans le monde de l’art. Les personnes du monde de l’art apprécient ma capacité à prendre des décisions et à négocier avec les galeries, les marchands. De même, beaucoup de collectionneurs sont des commerçants à succès et j’ai été assez chanceuse pour en connaître certains. Aussi, l’art m’aide à être plus créative et à développer mes points de vue dans le commerce, j’ai pu ainsi trouver une multitude de projets sortant de l’ordinaire pour mon entreprise.

 

S.T : En parlant de finance, 37% des conseillers en gestion de patrimoine sondés par Knight Franck ont révélé que leurs clients faisaient déjà des investissements dans le luxe, comme l’art, le vin ou les voitures de luxe. Ils ont également souligné que ces investissements étaient devenus de plus en plus populaires ces dernières années. Le plaisir personnel a été évalué comme l’élément le plus important de la motivation du client, le potentiel d’accroissement du capital venant en second (1).

Ce n’est pas un secret que les aspects financiers du luxe gagnent en importance. Faites-vous une distinction entre le commerce « classique » et le commerce de l’art ? Ou est-ce que selon vous l’art est juste un autre genre d’activité économique, comme avancent ceux qui critiquent les prix de l’art qui ne cessent d’augmenter ?

V.H.T : Beaucoup de personnes m’ont posé cette question – mes amis artistes, et mes amis du monde des affaires. Je supporte totalement l’idée que l’art devrait être créé uniquement pour le beau et non pas pour des raisons commerciales. Cependant les artistes doivent être capables de maintenir un niveau de vie acceptable.

Selon de récentes statistiques, le salaire moyen d’un artiste espagnol est d’environ 300€ par mois, ce qui est ridiculement bas, et la plupart d’entre eux sont contraints d’avoir un autre travail à côté pour pouvoir continuer à vivre de leur passion. Même les galeristes se battent pour pouvoir payer leur loyer, et beaucoup ont fermé ces dernières années. Donc il n’y a rien de mal, au contraire c’est absolument nécessaire, de regarder aussi l’art selon une perspective économique.

Je ne supporte pas l’idée que l’art devrait être seulement admiré et non pas vendu. Non, car si votre art est suffisamment admiré, quelqu’un devrait être prêt à payer pour le posséder, pour démontrer son admiration. Connaîtrait-on le succès de Picasso, ou Dali, s’ils n’avaient rien vendu ?

 

S.T : La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unis le 10 décembre 1948, énonce le droit pour chacun à la protection de ses intérêts moraux et matériels qui résulteraient de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il serait l’auteur (2). 

 

De nombreuses conventions internationales concernent la propriété intellectuelle : les Conventions de Paris, de Berne, et l’accord sur les ADPIC en sont quelques exemples. Avec l’internationalisation de l’économie et la dématérialisation des échanges de données, le droit de la propriété intellectuelle est en constante évolution et devient de plus en plus important avec cette croissance des biens immatériels.  

 

Aujourd’hui, les droits d’auteur sont une question mondiale, car le cadre juridique doit s’adapter à cet environnement global et, électronique, et à de nouvelles formes d’exploitation, en confrontation avec d’autres intérêts comme ceux des GAFA. 

 

Mais le marché de l’art n’est pas uniforme et chaque pays conserve sa propre histoire, sa propre culture et ses propres façons d’envisager le commerce. Vous avez voyagé et vécu dans beaucoup de pays, quels sont les différences que vous avez pu observer sur les marchés nationaux ? 

 

V.H.T : Dans mon travail quotidien, je suis en contact avec des personnes d’une douzaines de pays différents chaque jour, en effet il y a des différences en termes de culture et de préférence, et cela s’applique aussi au monde de l’art. Par exemple, la plupart de mes collectionneurs sont américains ou anglais, parce que ces pays sont plus ouverts à ce nouveau type d’art. L’Espagne se rattrape se place ? également sur le marché de la photographie mais les maisons de vente hésitent encore un peu à proposer des photographies aux enchères. 

 

D’un autre côté la Chine et l’Inde ont également un grand pouvoir d’achat avec des collectionneurs qui ont tendance à acheter de façon plus impulsive. 

 

« Artnet » a bien souligné que le marché de l’art suivait l’argent, comme le nombre de grandes fortunes a augmenté de 25% en Chine, pour dépasser les Etats-Unis pour la première fois. « Billionaire Insights », un rapport de PricewatherhouseCoopers, publié en octobre 2017, a analysé les données de 1550 milliardaires dans le monde. Pour la première fois, il y a plus de milliardaires en Asie qu’aux Etats-Unis, même si la fortune globale des américains reste la plus élevée. En Chine le nombre de milliardaires est donc désormais de 637, pour 537 américains et 342 européens. 

 

Les experts voient la Chine comme le prochain marché de l’art majeur au niveau international, avec un pouvoir d’achat grandissant et un grand intérêt pour l’art, je suis moi-même une artiste nouvellement recrutée par une plateforme de vente d’art en ligne importante en Chine– « Hihey ». Je pense que les plateformes en ligne proactives comme Hihey seront capables de tirer beaucoup de bénéfices de ce pouvoir à venir des fortunes chinoises en connectant des artistes occidentaux comme moi avec le marché chinois. 

 

S.T : En effet, en 2018 le top 10 des maisons de vente d’art contemporain inclut 6 maisons chinoises, avec China Guardian en tête (3). De même la suprématie de la Chine face aux Etats-Unis s’est illustrée par le pourcentage d’artistes chinois dans le top 500, qui était supérieur à 30% en 2017 alors que les américains n’en comptent que 15%. 

 

D’un autre côté, « Artprice » a souligné dans un rapport la position privilégiée de Hong-Kong, pour offrir aux maisons de vente un accès à de nouveaux marchés. En effet, la ville est proche de la Chine mais aussi de l’Inde et des autres pays du Sud-Est de l’Asie, reliant l’orient et l’occident, avec un cadre juridique plutôt avantageux.                  

 

 

 

 

Propos recueillis par Sarah Tantin

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Love flows from the heart
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