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1 décembre 2017 - Héloïse de Baudus

Millet USA ou l’influence d’un peintre français aux Etats-Unis 

ACTUALITÉ

    Dans sa nouvelle exposition de la rentrée, le Palais des Beaux-Arts de Lille a fait le choix judicieux d’une exposition « deux-en-un ». C’est ainsi que nous sont présentées, d’une part, une rétrospective de l’artiste Jean-François Millet et, d’autre part, une mise en exergue de son influence sur le continent américain par l’exposition Millet USA. C’est sur cette-dernière que portera l’article. 

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De prime abord, le lien entre Terrence Malick, Dorothea Lange ou Edward Hopper n’est pas évident. Ce lien a pourtant un nom : celui de Jean-François Millet.

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Ce dernier, rappelons-le, a marqué le XIXème siècle par sa représentation si particulière de la ruralité où lumière presque divine et touches vaporeuses se côtoient. Pour Van Gogh, Millet a été « plus que Manet le peintre de la modernité ». 

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C’est par l’acquisition de l’Angélus par les Etats-Unis en 1889et l’amitié liée avec divers peintres américains à Barbizon que le nom de J-F Millet a trouvé un écho sur le continent Nord-américain. Cet écho, le Palais des Beaux-Arts de Lille se propose de nous l’illustrer. 

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Le musée est parvenu à rassembler une large sélection de photographies, majoritairement en provenance de la division des photographies de la bibliothèque du Congrès américain. Parmi les photographes, de nombreux ont immortalisé la Grande Dépression et le phénomène du Dust Bowl. C’est ainsi que l’on retrouve des photographies d’Arthur Rothstein, Lewis Hine, Walker Evans et l’exceptionnelle Migrant Mother de Dorothea Lange (ci-dessous). 

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 Les photographies présentées sont d’un réalisme frappant et, à la manière des tableaux de Millet, s’essaient à montrer les choses et les êtres tels qu’ils sont. Le but de ces photographies pourrait se résumer à la retranscription de l’humanité du peuple américain. Notons que chacune des photographies est largement légendée, donnant la parole au peuple. A la manière de Millet, les photographes subliment une réalité rendue insupportable. 

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Si l’influence de Millet semble palpable, notons néanmoins un gap : Millet est issu d’un milieu agricole riche, bien qu’il ait représenté dans son œuvre des classes sociales plus basses. Le contexte des photographies exposées est totalement différent et bien éloigné de celui de la campagne française chère à Millet. 

En effet, c’est une agriculture en temps de crise qui est représentée par une photographie que l’on peut qualifier de sociale (ceci étant notamment valable pour le travail de Dorothea Lange). Cette photographie en temps de crise se veut aussi militante. Le photographe Lewis Hine était, par exemple, engagé dans la lutte contre l’exploitation de l’enfant dans les travaux agricoles auprès du National Child Labor Committee. Une historienne américaine a souligné la source d’inspiration que représentait Millet pour ce photographe. C’est ainsi qu’il part à la rencontre des plus jeunes travailleurs des Etats-Unis dans les années 1930 afin d’immortaliser, sur le vif, leur dur labeur. 

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Aux Etats-Unis, à cette époque, un enfant de 4 ans pouvait être amené à porter des sacs de coton de près de 9 kilos. Une jeune fille de 8 ans pouvait, elle, transporter des sacs de plus de 20 kilos, et ce, plusieurs fois dans la journée.

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Ce côté militant et social se retrouve chez Millet comme chez ses contemporains tel que Gustave Courbet.

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En ce sens, le parallèle entre l’œuvre de J-F Millet et ces photographies est saisissant. Je pense notamment à l’une des photographies exposées qui est quasiment calquée sur Les Glaneuses. 

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Si l’œuvre de Millet a longtemps été décriée en France, elle a su toucher de nombreux admirateurs. Parmi eux, le jeune Edward Hopper qui, lors de son séjour en France entre 1906 et 1910, recopiera sans relâche des toiles de l’artiste. Il dit puiser son réalisme dans le travail de J-F Millet dont l’observation lui a permis de « ne pas tricher par rapport à la réalité ». La représentation de la ruralité par Millet l’a beaucoup inspiré par la suite dans sa manière de représenter les paysages ruraux américains. 

 

 

 

 

 

 

 

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Le Palais des Beaux-Arts de Lille nous propose également une interprétation du travail de Millet à la lumière d’œuvres cinématographiques emblématiques. Dans son film Days of Heaven (Les moissons du ciel)de 1978, Terrence Malick s’inspire à la fois de Hopper et de Millet. Dans ce film, on retrouve beaucoup de scènes au crépuscule, moment de la journée chéri par Millet et moment « le plus favorable pour juger de l’effet global d’un tableau » selon l’artiste. Un parallèle est également établi avec le film Interstellar ou encore To the wonder (A la merveille, Terrence Malick, 2013)  ou The Grapes of Wrath (Les raisins de la colère, John Ford, 1940). 

 

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Certaines scènes diffusées semblent être des toiles de Millet rendues vivantes. La lumière, l’expression des personnages et l’authenticité de la ruralité transpercent l’écran. La scène issue d’Interstellar rappelle la manière dont Millet établissait le lien entre les hommes et la terre. 

Par cette exposition émouvante et réussie, le Palais des Beaux-Arts de Lille a donc réussi le défi de confronter l’œuvre d’un artiste à ce qu’il a apporté à la postérité, permettant un recul direct sur la rétrospective qui nous est proposée. 

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Heloise de Baudus

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À PROPOS DE L'AUTEURE 

Héloïse de Baudus

J'ai 18 ans et suis en première année de Droit/Histoire de l'art. Parmi mes hobbies : les voyages, les salles de ventes et partir à la rencontre d'acteurs du marché de l'art.

Lewis Hine, Petites cueilleuses  

Hopper, Bâtiments de ferme et vache 1927

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